12 février 2010

• Friches en briquettes



Un immense terre-plein, peut-être 800, ou 900 mètres de long au bord de la rivière. Tout au bout, un bâtiment immense, abandonné, en briquettes, avec des poutrelles en fer à l'intérieur, datant à vue de nez du début du siècle dernier. Les herbes sont grasses, et hautes, la neige a fraîchement fondu, des cannettes en alu traînent ça et là. Je croise un vieux bonhomme et son clebs qui depuis tout à l'heure, ne me quittent pas des yeux. Le type me regarde, me toise plutôt. Je lui demande une fois à sa hauteur :

"c'était quoi cette usine ?"
"Oh ça ? Une usine de papier je crois, mais ça fait longtemps".
"Y'a du monde ?"
"Ché pas. Vous allez vraiment entrer ?"
"Oui, faire quelques photos".
"Faites gaffe quand même hein... (pfff. Bon... allez viens le chien, on y va nous)"

Un rapide coup d'oeil au côté nord, la végétation ronge le décor, abandonné depuis des lustres. Le déclencheur jure, avec sa mélodie électronique, dans cet espace où le temps s'est arrêté. Djiii, Djiii. C'est dans la boite. Presque plus de batterie, mais ça devrait tenir suffisament pour ce que j'ai à faire. J'entre dans le bordel absolu, dans les bureaux de l'usine.



Tout est éventré, cassé, détruit et graffité. Une drôle d'impression. Un autre pays, plus à l'Est. Chaque pas écrase quelque chose de gelé, d'usé, de décomposé. Djiii Djiii. Un vieux frigo. Djiii Djiii. Des armoires gonflées d'eau de ruissellement. Djiii Djiii. Des murs troués, des dossiers d'époque par terre. Je ressors pour contourner l'énorme édifice. Côté Ouest, une ouverture béante, directement dans le mur de brique. Le coup de poing d'un géant dans cette grande mais frêle maquette. En allant vers le trou, je croise une chaise avant guerre, en fer rouillé et quelques autres objets indéfinissables. Une autre chaise, dans un espace de carrelage blanc, sert visiblement à escalader le mur, afin de permettre aux squatteurs de grimper au niveau supérieur et accessible par cette unique entrée. Une défense bien maigre contre le froid et le vandalisme.



Je rentre dans la partie usine, qui elle, est totalement vide. Au bas mot 400 mètres carrés de courant d'air. Presque autant de végétation sur les murs à l'intérieur qu'à l'extérieur. En faisant un effort, on entend les machines cliqueter. On peut distinguer les ouvriers en blouse grise, s'affairer autour des outils. Dans la cour jadis, des remorques, des chevaux, toute une agitation sociale et organisée, ensemble, au travail.



Fin de la visite. Quelques clichés encore et je plie les gaules, la visite de cette cathédrale des temps modernes aura duré assez pour examiner le désastre lent du temps. Pas de mauvaise rencontre, juste une impression étrange sous le soleil écrasant et cette température glaciale, l'impression d'un voyage express dans un passé révolu dont quelques vestiges s'effondrent doucement, dans l'indifférence du vent et de la rivière.


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2 commentaires:

Line a dit…

cool j'adore!!

dominoo a dit…

Line :)